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En marge des grands événements sportifs

Je m’appelle Ali, j’ai 18 ans et je suis né à Oran dans un milieu modeste.
A 16 ans, je suis parti en France pour trouver un avenir meilleur.
Mais ce qui m’attendait était bien différent.

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Adolescent, je n’ai aucune perspective d’étude ou d’emploi.
Tout le monde dit qu’à Barbès, on peut facilement trouver du travail. Alors je décide de partir pour Paris.
Avec le peu d’argent que j’ai, je paie des passeurs pour traverser la Méditerranée.
Au moment de l’embarquement j’ai peur.
Le bateau est petit et nous sommes entassés mais nous arrivons sains et saufs à Alméria en Espagne.

Une fois à Paris, je n’ai plus d’argent, mais je retrouve des Algériens d’Oran et je fais connaissance avec Malik.
Il dit qu’il peut m’aider. Et en effet, il me trouve rapidement une place dans un studio de 30 m2 que nous partageons à 5 et un travail sur les marchés.

Je travaille dur mais je ne gagne pas assez pour payer mon loyer. Je commence à avoir des problèmes avec le propriétaire. Pour me faire plus d’argent, Malik me propose de vendre des cigarettes. Ça marche assez bien, sauf quand la police s’en mêle et confisque les cigarettes. Quand ça arrive, je ne peux pas rembourser Malik et je m’endette.
Un jour, il m’annonce que je lui dois plus de 1 000 €.

Jamais je ne pourrai régler une telle somme. Malik me dit que la meilleure solution pour solder mes comptes est de vendre du haschich et des médicaments. C’est plus risqué que de vendre des cigarettes. Alors Malik me fournit du Rivotril pour que j’ai moins peur.

Cela devient impossible de dealer sans cachets, ou de dormir sans Lyrica. Mon objectif quotidien est de pouvoir me payer des médicaments.

Je n’arrive plus à travailler correctement et Malik devient agressif car je ne lui rapporte pas assez d’argent.
Un soir, dans un squat, il me tabasse devant tout le monde. Il me dit que la prochaine fois, c’est son copain Aziz qui s’occupera de moi, qu’il me violera et qu’il enverra la vidéo au pays. Si ça m’arrive, je me suicide.

Je veux m’en sortir mais je n’ai aucune issue.

J’obtiens parfois une place en foyer, mais je fugue à chaque fois pour trouver des médicaments et continuer à dealer car je dois encore de l’argent à Malik.

Jusqu’au jour où je rencontre un éducateur dans la rue. Il me dit que son association peut me protéger et je finis par lui faire confiance. C’est ainsi que je suis placé dans un centre loin de Paris où l’on m’accompagne pour me sevrer et me réinsérer.

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DES CLEFS POUR COMPRENDRE

La contrainte à commettre des délits est une des formes de traite des êtres humains. Elle consiste à forcer une personne à commettre des délits et des crimes en vue d’en récolter les gains. Les délits sont variés : vols à la tire, à l’arraché, au distributeur automatique de billets, cambriolages, vente de médicaments, de cigarettes ou d’objets volés, arnaque à la charité…

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Qui sont les victimes ?

Des jeunes de différentes nationalités (11 différentes détectées en 2021) sont contraints à commettre des délits ; et s’il n’existe pas de profil type de victimes, elles présentent des caractéristiques communes.

Il s’agit principalement de garçons étrangers, mineurs ou jeunes majeurs, en errance et en situation de précarité, soit parce qu’ils sont mineurs non accompagnés, soit parce qu’ils évoluent exclusivement au sein de leur famille ou de leur communauté. Ils subissent des violences physiques, psychologiques et/ou sexuelles, présentent de nombreuses conduites à risque et sont très mobiles, y compris à l’échelle transnationale.

Il ne faut cependant pas exclure le fait que de nombreux jeunes garçons français, travaillant pour le compte de revendeurs de stupéfiants en tant que guetteur, soient également victimes de traite des êtres humains. Beaucoup décrivent des processus de recrutement et des modalités d’emprise similaires à ce qui est observé au sujet de jeunes étrangers.  

La victime peut être exploitée par sa famille, ce qui en plus de faciliter le recrutement, accentue l’emprise exercée sur elle. Elle peut aussi  être exploitée par une organisation criminelle qui utilise la violence et les médicaments pour maintenir l’emprise.

Comment les repérer ?

L’absence de conscientisation de ces jeunes de leur statut de victime et la revendication de celui de délinquant, leur méfiance vis-à-vis des institutions et les conflits de loyauté qu’ils vivent rendent difficile l’appréhension de ce phénomène.

Aller en rue à la rencontre des mineurs pour créer un lien de confiance est la première étape essentielle pour repérer les victimes, comprendre leurs difficultés, leurs modes de vie et tenter de les accompagner vers la protection. Les profils de jeunes exploités étant variés et chaque situation de traite unique, c’est une conjonction d’indices qui permettent d’alerter et d’identifier une potentielle victime.

Pourquoi ce phénomène en marge des grands événements sportifs ?

Cette forme d’exploitation est particulièrement lucrative pour les exploiteurs. Elle leur permet de faire courir le risque pénal sur les victimes exploitées auxquelles ils font croire que la minorité amoindrit le risque de poursuites.

Lors des grands événements sportifs, les touristes venus en nombre représentent une cible idéale pour les groupes criminels exploitant des mineurs pour commettre des délits. Les organisations criminelles seront tentées de recruter massivement de nouvelles victimes parmi les mineurs vulnérables pour saisir cette opportunité.

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